Objectifs

Un large travail d’inventaire et de prospection des archives disponibles, en France et à l’étranger, était d’abord nécessaire. Des questions déjà abordées par l’historiographie méritaient ensuite d’être approfondies, d’autres thèmes ou terrains plus inédits ont été abordés.
Pour ce faire, une nouvelle organisation collective de la recherche a été mise en place.
















Elaborer un guide d'archives

Le guide des sources de la Seconde Guerre mondiale conservées en France, édité par les Archives nationales en 1994 (40), répertorie de nombreux fonds publics intéressant l'historien des entreprises, qu'il s'agisse des fonds des administrations ministérielles (en particulier des séries F12 Commerce et industrie, F14 Travaux publics et F22 Travail au CARAN, fonds complémentaires des mêmes ministères à Fontainebleau, fonds du Ministère de l'Économie et des Finances à Savigny-le-Temple), des organismes spécifiques à la période (AJ38 Commissariat général aux questions juives, 68AJ fonds très partiel des Comités d'organisation), du Comité d'histoire de la Seconde Guerre mondiale (72AJ). Le guide montre également, à défaut d'exhaustivité, l'importance quantitative et qualitative des fonds des administrations locales (archives départementales et communales). La partie des archives de l'administration allemande d'Occupation conservées aux Archives nationales (série AJ40) est également présentée (41).

Les archives des entreprises apparaissent à un double titre. D'une part, parmi les 212 fonds déposés aux Archives nationales (pour la plupart conservés maintenant au Centre du monde du travail de Roubaix), 112 abordent la période 1939-1945. Le guide les présente d'une manière succincte. Outre les filiales françaises des entreprises allemandes mises sous séquestre à la Libération, sont également concernées plusieurs grandes entreprises nationales (Renault, Société de construction des Batignolles, Marine et Homécourt, Châtillon-Commentry, Schneider, de Wendel, Banque nationale pour le commerce et l'industrie, etc.). D'autre part, quelques fonds restés en la possession d'organismes parapublics (six chambres de commerce et d'industrie dont celle de Paris) ou d'entreprises (qui se trouvent être toutes publiques : Banque de France, Caisse des dépôts, France Telecom, RATP, SNCF) sont répertoriés. De l'aveu même des éditeurs, " les archives économiques (…) ne sont pas suffisamment représentées. (...) La discrétion souhaitée par certaines grandes sociétés en [est] la cause " (p. XI). Le récent guide des archives d'entreprises françaises comporte malheureusement les mêmes lacunes (42) ; les entreprises privées sont largement sous-représentées et la période de la Seconde Guerre mondiale n'est guère couverte.

En association avec les Archives nationales qui se sont engagées à apporter leur aide, un double travail d'exploration et d'inventaire sera réalisé. Les fonds des administrations locales, départementales ou municipales, devront être explorés plus systématiquement, notamment pour s'efforcer de retrouver les très riches archives des délégations régionales du ministère de la Production industrielle (43). Le label scientifique du groupe de recherche et les nombreux liens de confiance tissés par ses membres devraient contribuer à rassurer des entreprises éventuellement réticentes, par crainte d'une utilisation polémique, à ouvrir leurs archives aux historiens. Un travail d'explication est à faire pour les convaincre qu'elles ne risquent rien à jouer la transparence, la poursuite d'une politique de fermeture pouvant, au contraire, être mal interprétée et porter atteinte à leur image. La présence dans un certain nombre de grandes entreprises françaises de centres d'archives historiques actifs (Banque de France, Caisse des dépôts et consignations, Crédit lyonnais, EDF, RATP, Saint-Gobain, Société générale, SNCF, etc.) et l'existence d'organismes de soutien à la recherche en histoire des entreprises (Association pour l'histoire des caisses d'épargne, Association pour l'histoire des chemins de fer en France, Comité d'histoire de la Poste, Comité pour l'histoire économique et financière de la France, Fondation EDF, Institut pour l'histoire de l'Aluminium, Mission historique de la Banque de France, etc.), avec lesquels les animateurs du GDR entretiennent des liens étroits, fourniront un appui déterminant. La section des archives économiques et d'entreprise de l'Association des archivistes français, présidée par Henri Zuber (RATP), nous apportera un soutien précieux. La même démarche sera menée auprès des organisations patronales qui ont probablement hérité d'une bonne partie des fonds des comités d'organisation, très lacunaires aux Archives nationales. Dans la mesure du possible, les témoignages oraux des personnes survivantes ayant exercé des responsabilités au cours de cette période devront également être collectés et leurs transcriptions mises à la disposition de la communauté scientifique. La mise en œuvre d'un travail d'inventaire iconographique est également souhaitable.

Les archives allemandes, peu utilisées jusqu'à maintenant par les historiens français, apportent un complément essentiel : elles fournissent un double des correspondances des administrations et des entreprises françaises avec les occupants et elles indiquent l'opinion qu'avaient les différentes autorités allemandes, publiques ou privées, du fonctionnement de la collaboration. Outre les archives de l'administration militaire d'occupation de la France conservées à Fribourg, les archives fédérales, maintenant regroupées à Berlin (centre principal de Lichterfelde et dépôt annexe de Dahlwitz-Hoppegarten) comportent des fonds importants intéressant la France, notamment ceux des ministères de l'Économie (44), de l'Armement et de la Production militaire (ministère Speer), et des structures de l'économie dirigée (Wirtschaftsgruppen).

L'essentiel des archives du bureau France du département du commerce extérieur du ministère de l'Économie (45), ainsi que celles du délégué du commissaire général pour le travail forcé Fritz Sauckel en France (Julius Ritter), sont conservés à Moscou où elles n'ont, à notre connaissance, jamais été exploitées par des chercheurs français. La politique d'ouverture exemplaire pratiquée depuis quelques années par de nombreuses grandes entreprises allemandes à l'égard des historiens et les compétences archivistiques dont elles disposent généralement leur permettront de fournir, avec l'appui de l'association allemande des archivistes d'entreprise, des informations sur l'état de leurs fonds concernant les relations avec la France occupée.

Un inventaire des sources allemandes pourrait ainsi être réalisé, complété éventuellement, pour en faciliter l'accès aux chercheurs français, par une duplication d'une partie d'entre elles sous forme microfilmée ou numérique.

D'autres fonds étrangers sont à explorer, notamment dans les pays d'Europe occupés où la France disposait avant la guerre d'intérêts économiques importants, comme la Tchécoslovaquie, la Roumanie ou la Norvège. Les archives des administrations britanniques et américaines (services consulaires, services de renseignements économiques, archives militaires des bombardements, informations de la Résistance, etc.) constituent également une source complémentaire utile.

L'ensemble de ce travail de repérage et d'inventaire devra être, à échéance de 3 ans, réuni dans un guide général des archives sur les entreprises françaises sous l'Occupation, dont des versions provisoires pourraient être d'abord mises en ligne avant l'élaboration d'une version papier plus définitive.


Développer des recherches transversales

La thèse de Michel Margairaz a abordé, la première, les relations entre grandes entreprises et appareil d'État pour plusieurs branches et proposé des approches différenciées dans leurs rapports aux représentants de l'État . Elle esquisse ainsi quelques-unes des orientations souhaitables en vue d'un renouvellement de la recherche. Afin de dépasser la dispersion monographique, des questions aussi fondamentales que l'organisation de l'économie dirigée, la répartition précise des commandes et des marchés entre l'Occupant et la consommation intérieure, les modalités de financement des investissements, l'importance absolue et relative des profits réalisés par les entreprises, la gestion des flux de main d'œuvre, le sort des différentes populations salariées, l'attitude des entrepreneurs face à Vichy et l'occupant, la politique d'" aryanisation " des entreprises, l'activité des entreprises outre-mer et leurs relations avec la métropole méritent d'être traitées de manière transversale et approfondie.


Une économie administrée ou dirigée ?

Une étude approfondie de l'organisation économique de Vichy reste à faire . Au-delà de leurs structures formelles, comment étaient effectivement gérés les comités d'organisation et autres sections de l'Office central de répartition de la production industrielle (OCRPI) ? Dans quelle mesure ces organismes s'inscrivaient-ils dans la continuité des syndicats patronaux ? Comment s'y répartissaient les responsabilités entre les industriels et les fonctionnaires délégués par les administrations ministérielles ? Quelle influence ont-ils véritablement exercé sur les entreprises des branches correspondantes (concentration économique, répartition des approvisionnements, des commandes et de la main-d'œuvre) ? Cette organisation relève-t-elle d'un véritable dirigisme étatique, ou d'une simple auto-administration concertée de l'économie ?


La vie des entreprises sous l'Occupation : pénurie et/ou postérité?

Les histoires d'entreprises, lorsqu'elles évoquent la période de l'Occupation, tendent souvent à souligner les difficultés et les contraintes qui pèsent sur les entreprises (pénurie de matières premières, perte des débouchés extérieurs, marasme du marché intérieur, pesanteur administrative et fiscale, difficultés des transports et des communications dans une France divisée en zones aux statuts différents, prélèvements de matériel et de main-d'œuvre par l'occupant, destructions provoquées par les bombardements successifs, etc.). D'autres auteurs plus critiques soulignent au contraire le développement des débouchés commerciaux assurés par l'économie de guerre allemande et l'importance des profits réalisés. Une étude quantitative globale prenant en compte ces multiples variables, dans les différents secteurs économiques, apparaît indispensable. Quelle a été la part réelle des commandes allemandes, y compris indirectes, dans l'activité des entreprises ? Dans quelle mesure ont-elles compensé les autres marchés perdus ? Comment ont été financés les investissements réalisés ? Quelle politique les banques ont-elles menée en matière de financement des activités économiques ? Quelle est l'importance véritable des bénéfices accumulés par les entreprises, qu'ils aient été déclarés ou non, distribués ou non ? La période d'occupation a-t-elle été pour les entreprises une période d'innovation et de modernisation dans le domaine technique ou en matière d'organisation et de gestion (comptable, sociale…) ? A-t-elle modifié les relations commerciales et financières entre les firmes (sous-traitance, crédit interentreprises…) ? Dans quelle mesure l'appareil industriel français est-il véritablement sorti affaibli, par les pillages ou les manques d'investissements, de l'Occupation ? À l'inverse, la collaboration avec l'industrie allemande a-t-elle permis aux entreprises françaises de bénéficier de certains transferts technologiques ? Toutes ces questions méritent que soit systématisée une étude des firmes qui permette de rendre compte de la diversité des contraintes et des réponses stratégiques et organisationnelles au niveau géographique, sectoriel, et selon la taille des firmes.


Une main d'oeuvre entre chômage et STO ?

Le patronat a souvent justifié, après la Libération, l'acceptation des commandes allemandes par la nécessité de maintenir une activité suffisante pour faire vivre une main-d'œuvre devenue surnuméraire. Elles auraient permis à de nombreux salariés de ne pas être envoyés travailler en Allemagne. À l'inverse, les milieux ouvriers ont dénoncé le zèle dont auraient fait preuve de nombreux employeurs pour relayer les consignes de l'administration de Vichy en faveur de la Relève et du Service du travail obligatoire (STO). Au-delà de cette question du STO qui a fait l'objet d'un colloque organisé par le CRHQ à Caen en décembre 2001, un point statistique précis sur l'ensemble des flux de main-d'œuvre (licenciements, embauches, transferts, départs volontaires ou forcés en Allemagne) sous l'Occupation est nécessaire. Un colloque a en 1992 fait le point sur l'état des recherches concernant les ouvriers en France pendant la Seconde Guerre mondiale . Les problématiques peuvent être actualisées et de nombreuses questions restent à résoudre pour percevoir la réalité du travail et de ses conditions. Comment le travail pour l'Allemagne ou en Allemagne était-il perçu par les différents acteurs sociaux ? Comment a évolué la productivité ouvrière au cours de la période ? Quel a été l'impact des actions de freinage voire de sabotage du travail ? Comment ont été traitées financièrement, socialement et humainement les différentes catégories professionnelles ? Quel a été le sort des travailleurs immigrés appartenant à des populations maltraitées par l'idéologie nazie (Polonais, Nord-Africains) ?
De plus, la question de la main d'œuvre ne se limite pas aux besoins allemands, il s'agit aussi d'appréhender le monde du travail dans sa diversité et surtout dans sa spécificité au regard de la période. Comment évoluent les salaires directs et réels ? Quelles incidences la guerre et l'occupation provoquent-elles sur les conditions de travail (horaires, hygiène, sécurité, santé….) ? Quels sont l'influence et le rôle des Comités sociaux ? Quelles ont été les analyses du travail des femmes effectuées par les différences forces en présence (divers courants de la Résistance, diverses tendances de l'administration et du pouvoir de Vichy, autorités d'occupation), les politiques mises en place à ce propos et la réalité de l'emploi féminin ? Quelles incidences les conditions de travail et de vie ont-elles eu sur la population active ? Quelles furent les conséquences du conflit sur les phénomènes de mobilités (sociale, professionnelle, géographique) ?


Des entrepreneurs entre collaboration, résistance et épuration

Selon les auteurs, l'accent est plutôt mis sur l'engagement collaborationniste ou résistant des dirigeants d'entreprise. Cette vision quelque peu manichéenne mérite d'être dépassée. D'une part, les différentes formes d'engagement doivent être mieux distinguées, la simple adhésion aux thèses pétainistes de la fraternisation avec l'Allemagne nazie, la collaboration économique plus ou moins contrainte de la collaboration politique, l'appartenance formelle à des organisations vichystes de l'activisme politique, la résistance active de la réticence ou du retrait, etc. . D'autre part, la possibilité de contradictions personnelles successives voire concomitantes doit être envisagée : l'engagement dans l'organisation économique de Vichy ou l'acceptation de commandes allemandes n'est pas nécessairement incompatible avec un soutien à la Résistance.
Au-delà des quelques figures toujours évoquées, un large espace des positions patronales est à construire, en intégrant de multiples variables relatives à la trajectoire personnelle (appartenance générationnelle, origine géographique, lieu de formation, expérience militaire en 1914-1918, type de carrière), au statut de l'entreprise (grande ou petite, contrôle familial ou managérial, dominante ou non dans sa branche, zones d'implantation) ou à la situation de la branche économique (concurrentielle ou cartellisée, plus ou moins affectée par la fermeture des marchés extérieurs pour les approvisionnements ou les exportations, dominée ou non par son homologue allemande).
Une meilleure évaluation des sanctions prises à l'encontre des élites économiques à la Libération est également nécessaire, entre les injustices dénoncées par les hagiographes du monde patronal et l'idée communément répandue aujourd'hui d'une absence d'épuration des milieux économiques. Les différentes formes d'épuration doivent être prises en compte, aussi bien les sanctions individuelles, décidées dans un cadre professionnel ou judiciaire, national ou local, que les diverses mesures affectant les entreprises (mises sous séquestre, confiscation des profits illicites, exclusion des marchés publics) voire les " auto-épurations " (mises à l'écart concédées par le milieu patronal de dirigeants attaqués).


L' "aryanisation" des entreprises

L'" aryanisation " des entreprises découle de la loi du 21 juillet 1941 sur l'aryanisation des biens juifs. Celle-ci dispose en effet que doivent être vendues ou liquidées toutes les entreprises dont les propriétaires, les présidents ou plus d'un tiers des actionnaires sont considérés comme juifs en application du second statut des juifs. Elle est due à trois facteurs : les pressions allemandes ; des considérations de nature idéologique ; d'autres, de nature économique. Cette politique se poursuit activement pendant la guerre : en juin 1944, 42 % des dossiers sont clos sur 42 000 ouverts en zone Nord.
Si les grandes entreprises font l'objet de cessions, les petites sont le plus souvent liquidées. L'aryanisation a touché, dans des proportions variables, tous les secteurs. Même si certains patrons, en l'occurrence souvent les dirigeants des plus grandes firmes, ont organisé des aryanisations fictives, l'on compte, parmi ceux des PME, beaucoup de déportés. À la Libération, l'annulation des lois raciales entraîne la restitution des biens aryanisés à leurs propriétaires légitimes, mais de nombreuses firmes ont purement et simplement disparu, même parmi les grandes (Rosengart, cinquième constructeur français d'automobile à la veille de la Seconde Guerre mondiale). Il faut aussi distinguer, notamment pour les grandes entreprises, ce qui relève des conséquences directes de l'Occupation et de l'installation d'un nouveau régime politique, de décisions ou d'accords antérieurement négociés qui trouvent leur aboutissement au cours des années 1940-1944.
On comprend donc l'ampleur du phénomène et la nécessité de l'étudier en profondeur. La thèse de Philippe Verheyde n'aborde que le cas des 175 plus grandes entreprises, Jean Laloum, celui de trois communes de banlieue parisienne et Jean-Marc Dreyfus, celui d'une trentaine de banques. Or, plus de 20 000 entreprises ont été directement concernées, sans compter les nombreuses entreprises qui interviennent dans l'acquisition des biens, et dont l'étude du déroulement et des motivations permet d'apporter des indications précieuses sur leurs stratégies. Sous la direction de M. Margairaz à Paris VIII, Florent Le Bot termine une thèse de doctorat sur l'aryanisation des métiers du secteur du cuir en élargissant le questionnement aux années trente ; une recherche est en cours sur les avoirs juifs déposés au Crédit Lyonnais ; un colloque a été organisé par Jean-Pierre Azéma, Marc-Olivier Baruch et Michel Margairaz sur la Caisse des Dépôts en novembre 2001. Mais il reste beaucoup à faire.


Les entreprises françaises en Outre-mer et à l'étranger

Une étude des entreprises pendant la période de l'Occupation ne peut se limiter à la seule métropole. Dans la droite ligne du colloque organisé en 1984 par l'IHTP sur le thème " Les chemins de la décolonisation de l'Empire français 1936-1956 " , et des travaux de Jacques Marseille ou de Catherine Coquery-Vidrovitch , les spécialistes de l'Outre-mer se sont intéressés aux stratégies d'entreprises dans l'Empire colonial : on ne peut ignorer aujourd'hui les travaux très éclairants d'Hélène d'Almeida-Topor , de Catherine Hodeir , de Monique Lakroum , de Daniel Lefeuvre ou de Samir Saul par exemple. Durant la guerre, les entreprises ont continué à y travailler dans des conditions souvent difficiles, en raison du blocus britannique, des difficultés de relations avec la métropole ainsi que de l'affrontement entre les partisans du régime de Vichy et ceux de la France libre.
Toutefois, l'Empire a offert à certaines entreprises la possibilité de maintenir une activité significative. Tel a été le cas dans le bâtiment et les travaux publics ou dans les matériaux de construction : des entreprises de premier plan comme Fougerolle, GTM, Hersent y ont réalisé la part la plus importante de leur chiffre d'affaires, tandis que d'autres s'y repliaient totalement (Grands Travaux de l'Est) ; les Ciments Lafarge y ont aussi trouvé d'importantes opportunités . À cet égard, le cas de l'Afrique du Nord apparaît tout à fait significatif. Cette activité coloniale s'est accompagnée de faits de collaboration : c'est le cas en Indochine, sous le proconsulat de l'amiral Decoux. Des phénomènes d'épuration s'y sont déroulés. Ils demeurent mal connus, comme d'ailleurs l'évolution générale de la situation des entreprises. Les colonies au sens strict, mais aussi les protectorats et mandats de la SDN ont-ils offert réellement une alternative stratégique à l'activité métropolitaine ? Si oui, dans quelle mesure ? La guerre a-t-elle accéléré ou, au contraire, freiné le passage à la décolonisation ?
Il serait utile aussi de prendre en compte l'activité menée hors Zone franc par les entreprises françaises. Comme le montre encore le secteur des travaux publics, la France a perdu de sérieuses positions à l'étranger durant le conflit : c'est tout à fait évident en Europe orientale ou en Europe du Nord. Mais, dans d'autres secteurs aussi, les choix du gouvernement de Vichy ont aussi posé des problèmes aux filiales anglo-saxonnes des groupes français, voire aux maisons mères. Tel a été le cas en Grande-Bretagne, en Égypte ou en Irak par exemple. À l'inverse, sur d'autres terrains, en Argentine, en Irlande ou au Portugal, notamment jusqu'en 1942, les entreprises ont maintenu une activité significative. Il ne faut pas oublier non plus que certaines firmes françaises ont travaillé en Allemagne même. Les opérations menées à l'étranger ont ainsi pu favoriser le redéploiement rapide, après la guerre, d'une partie du système productif français. Il serait donc également indispensable que l'on se penche sur cette dimension méconnue du conflit mondial.


Une nouvelle organisation collective de la recherche
Le traitement de ces différentes questions implique de susciter des recherches nouvelles dans des secteurs économiques jusque-là peu étudiés par les historiens, comme les assurances ou les transports, ou, dans l'industrie, des branches comme la construction mécanique, le textile ou l'agroalimentaire. Une multiplication des études à l'échelle locale, dans des régions aux statuts différents sous l'Occupation, est également nécessaire. Pour permettre une exploitation comparative de ces recherches, l'organisation collective doit assurer une meilleure coordination des questionnements, du recueil des données et de la présentation des résultats.

Encourager la mobilité des chercheurs

L'ambition scientifique du GDR est de stimuler des recherches sur un sujet dont la difficulté d'accès aux sources pouvait décourager des chercheurs isolés. Le réseau apportera donc des aides financières à la mobilité (bourses de séjours pour jeunes chercheurs, prise en charge de frais de mission) pour inciter à l'exploitation de sources diversifiées. En Allemagne en particulier, l'appui possible d'institutions comme le Centre franco-allemand de recherches en sciences sociales Marc Bloch de Berlin et la Mission historique française en Allemagne à Göttingen facilitera l'organisation de séjours de recherche.
Des ressources complémentaires pourront être également prospectées, auprès d'entreprises par exemple, pour financer par des recherches sur contrat au profit de doctorants ou de post-doctorants.


Organiser des groupes de travail

L'organisation de colloques isolés ayant montré ses limites, la constitution de groupes de travail durables apparaît nécessaire. Des ateliers seront constitués à la fois sur une base régionale, pour impliquer un maximum de chercheurs et favoriser une approche au plus près des réalités locales, et thématique, en fonction des grands thèmes transversaux précédemment retenus.
En l'état actuel, la formation de plusieurs équipes, autour de questions thématiques à préciser, est prévue en province :

- Le Nord-Pas-de-Calais comme zone au statut particulier, en privilégiant l'étude de secteurs peu étudiés jusqu'alors comme le papier-carton ou l'agroalimentaire (animée par Jean-François Eck et Marc de Ferrière) ;

- Un grand Sud-Est, de la Franche-Comté aux rivages méditerranéens, en s'intéressant particulièrement aux industries textiles et chimiques, autour de la question de la réorganisation des marchés (approvisionnements et débouchés) de branches traditionnellement orientées vers les échanges extérieurs (animée par Sophie Chauveau, Jean-Claude Daumas, Hervé Joly et Pierre Vernus) ;

- l'Aquitaine (animée par Christophe Bouneau, Alexandre Fernandez et Bruno Marnot) ;

- et, en projet, le Grand-Ouest (de la Bretagne, la Normandie aux Pays de Loire) et l'Alsace-Moselle annexée .

S'y ajoutent au moins cinq équipes parisiennes/nationales établies par secteurs ou thèmes spécifiques :
- Les banques et assurances, avec notamment de la question du financement de l'économie (animée par Michel Margairaz et Alain Plessis) ;

- Les entreprises industrielles parisiennes, en particulier dans la métallurgie et la mécanique (animée par Michel Lescure etDanièle Rousselier-Fraboulet) ;

- Les entreprises de la culture et de l'information et leurs administrations de tutelle, françaises et allemandes (animée par Patrick Éveno et Agnès Callu) ;

- L'aryanisation des entreprises (animée par Philippe Verheyde) ;

- Les entreprises coloniales et les relations des entreprises métropolitaines avec les colonies (animée par Daniel Lefeuvre).

Par ailleurs, la création d'un sixième atelier sur les entreprises de service public pourrait être envisagée, si d'autres bonnes volontés se manifestaient aux côtés de celle déjà exprimée d'un membre du conseil scientifique.

Les objectifs plus complets de ces ateliers ainsi que le calendrier de leurs premiers travaux feront l'objet d'une information ultérieure spécifique.
Enfin, une commission archives, rassemblant historiens et archivistes, sera mise en place pour préparer l'élaboration du guide des archives.
La participation à l'un de ces ateliers ne sera bien sûr pas exclusive. Les dates de réunions devront d'ailleurs être fixées en concertation pour éviter les chevauchements. Le programme des travaux fera l'objet d'une information générale. La seule limite est que le GDR n'aura pas les moyens financiers de prendre en charge les déplacements des différents participants aux ateliers.


Organiser des journées d'études et des colloques

Des journées d'études communes seront organisées à un rythme environ semestriel. La première est prévue pour le samedi 12 octobre à Paris, sur le thème : " Les institutions engagées dans l'économie de l'Occupation et leurs archives ", avec des interventions associant archivistes et historiens. Le programme précis sera diffusé ultérieurement.
Des colloques de synthèse de l'activité des ateliers seront également organisés à échéance de deux et quatre ans.
Le GDR pourra également s'associer avec d'autres institutions scientifiques pour l'organisation de colloques sur des sujets en relation avec ses orientations thématiques.


Mettre en commun des bases de données

Un inventaire bibliographique approfondi du sujet devra, en particulier pour repérer les travaux de maîtrises inédits soutenus dans l'ensemble des universités françaises, être mené.
Dans le cadre des ateliers, diverses bases de données sur, par exemple, les entreprises, leurs dirigeants ou les institutions et les responsables de l'économie dirigée seront élaborées.
L'ensemble de ces informations seront mises à la disposition de la communauté scientifique, par l'intermédiaire du site Internet du GDR (sous réserve des exigences de la législation Informatique et libertés).


Favoriser les coopérations avec des chercheurs étrangers

L'organisation des journées d'études ou des colloques sera l'occasion d'associer des chercheurs étrangers, notamment allemands, aux travaux du GDR et de développer des coopérations avec les chercheurs français. Les divers réseaux européens auxquels participent des animateurs du GDR (European Business History Association ; programme " Occupations in Europe " de la Fondation européenne de la science, " groupe de travail sur le rôle des entrepreneurs et des entreprises dans le national-socialisme " de la Société allemande d'histoire des entreprises…) permettront de développer ces relations.



Dernière modification jeudi 16 septembre 2010 par Hervé Joly




 

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Dernière mise à jour du site le jeudi 14 novembre 2013 (12:02) +